“Climat : comment éviter un désastre” On a lu le livre de Bill Gates
Peut-on éviter le pire et si oui, comment ? Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, propose un plan d’action contre la crise climatique dans un livre qui sort aujourd’hui en France. Mérite-t-il le détour ?
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Le réchauffement climatique est le sujet le plus important auquel nous devons faire face et pourtant, c’est aussi le plus mal couvert médiatiquement. Bien sûr, certains experts et journalistes ont fait un travail remarquable pour alerter sur la gravité de la menace. Mais le problème est si complexe que la plupart des articles ne donnent au public qu’une vision très partielle de la situation. Glaciers qui fondent, feux de forêt géants, écosystèmes menacés… on voit bien que l’heure est grave mais il reste difficile d’avoir une vision globale et claire de la situation et des actions à entreprendre. Résultat, on ressort de ces lectures d’autant plus épouvanté qu’on a le sentiment d’être totalement impuissant face à ce danger.
“Climat : comment éviter un désastre”, le livre de Bill Gates qui sort aujourd’hui aux éditions Flammarion évite adroitement ces écueils. Dès le troisième chapitre, le livre fournit quelques outils très simples pour évaluer une innovation. Exemple : lorsque vous entendez parler d’une technologie permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, faites un calcul rapide pour convertir ses résultats en pourcentage du total annuel mondial d’émissions (51 milliards de tonnes en équivalent CO2). Cet exercice permet de voir d’un coup d’œil si l’innovation a du potentiel ou si elle ne produit qu’une baisse marginale des émissions. “Pour moi, cela a plus de sens que les autres comparaisons que l’on croise souvent comme ‘tant de tonnes équivaut à retirer une voiture de la circulation’. Qui sait combien de voitures sont en circulation, pour commencer ? Et combien de voitures devrions-nous retirer pour faire face au changement climatique ?”, écrit l’auteur. On ne saurait être plus d’accord. Le livre de Bill Gates réussit par ailleurs très bien à donner une vision globale de la situation.
1/ Une vue claire et globale
L’auteur a en effet opté pour un découpage intéressant des domaines qui émettent des gaz à effet de serre qu’il regroupe en cinq grandes catégories :
- l’utilisation de l’électricité : 27% des émissions mondiales de gaz à effet de serre
- la fabrication de choses au sens large (des bâtiments et infrastructures aux objets du quotidien tels que l’électroménager) : 31% des émissions
- la culture et l’élevage : 19% des émissions
- les transports (de personnes ou de choses) : 16% des émissions
- le chauffage et la climatisation : 7% des émissions
Chacun de ces domaines a droit a un chapitre dans lequel le fondateur de Microsoft détaille de manière claire les solutions existantes et les obstacles qui demeurent. On apprécie aussi que l’auteur démonte certaines idées reçues nuisibles à la lutte contre le réchauffement climatique. Exemple ? L’idée que réduire les émissions serait déjà amplement suffisant. Ce n’est pas le cas, c’est bel et bien le zéro carbone qu’il faut atteindre rapidement. Bill Gates utilise ici une métaphore de baignoire assez parlante : même si vous réduisez le débit du robinet (les émissions de GES) à un petit filet, la baignoire finira par déborder car les gaz à effet de serre restent dans l’atmosphère pendant très longtemps. Or notre “baignoire” est déjà bien remplie et proche des seuils qui entraîneront des hausses de températures très dangereuses.
2/ Une bonne mise en perspective
Bill Gates remet également bien en perspective l’impact des initiatives individuelles (arrêter la viande, acheter une voiture électrique, etc.) dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elles sont utiles, bien sûr, mais comme le rappelle avec à propos le livre : “la plupart de nos émissions proviennent des système plus grands qui régissent notre quotidien (…) quand quelqu’un veut un toast pour le petit-déjeuner, cela implique l’existence d’un système qui peut fournir du pain, un grille-pain et l’électricité pour faire fonctionner le grille-pain sans ajouter de gaz à effet de serre (…) Nous n’allons pas résoudre le problème climatique en disant aux gens de ne pas manger de toasts”. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire sa part. D’autant que cela envoie un signal intéressant aux marchés et aux politiques sur nos attentes et nos priorités. Mais il ne faut pas s’y tromper, si les émissions augmentent, ce n’est pas tant lié à nos choix individuels qu’aux systèmes existants qu’il va falloir revoir de fond en comble.
3/ Un point de vue particulier
Bien sûr, on peut se demander si Bill Gates est la source la plus pertinente pour s’exprimer sur le sujet. Après tout, une grosse communauté scientifique travaille sur cette thématique depuis bien plus longtemps que lui. Par ailleurs, le fondateur de Microsoft, aujourd’hui à la tête d’une immense fortune, investit dans divers domaines liés aux énergies propres. Son point de vue est donc loin d’être neutre. Sur un sujet entremêlant autant de disciplines (chimie, physique, biologie, climatologie, économie, politique, logistique, etc.), les experts d’un domaine ont cependant souvent du mal à donner une vision globale du sujet. La richesse et le réseau du milliardaire lui permettent, à l’inverse, d’obtenir aisément les avis de spécialistes d’horizons variés. Même s’il convient de prendre en compte ses biais, le point de vue privilégié dont jouit Bill Gates en fait donc, finalement, une source tout à fait pertinente. D’autant qu’il sait manier la plume et vulgariser son sujet.